top of page
Rechercher

Rencontre & Echange 4 et 5 juin 2022 - Pentecôte par Gilles-Henri Tardy


L’Esprit


«Si le mosaïsme est la religion du Père (Jéhovah),

Si le christianisme est la religion du Fils (Jésus),

Le catharisme est la religion de l’Esprit (Paraclet)»

Antonin Gadal


«Comment évoquer l’Esprit, don du Très-Haut en l’homme, sans parler du Saint-Esprit ? » me faisait remarquer le prince de Bourbon-Lobkowski lors d’un dîner. Il ajouta : «Voyez-vous, mon jeune ami, votre livre «L’Aventure spirituelle de la Matière», devrait s’intituler «L’Aventure de Dieu dans ce Monde» !

Cette rencontre m’amena à repenser le fonctionnement de l’esprit à travers la matière. En effet, nous ne pouvons faire l’économie de la puissance du Très-Haut. C’est bien l’Esprit de Dieu, manifestation divine de l’entendement, de la bonté, qui s’immisce dans le monde matériel pour contrecarrer le dessein d’anéantissement des Ténèbres. L’Esprit saint n’est pas une entité, il est la substance même de l’intelligence suprême, il est le porteur de Connaissance, du partage, le souffle divin du Bien.

Quelques puissent être les vues des différentes communautés chrétiennes, l’Esprit saint conduit à l’action des prophètes, à la réflexion des croyants et en général de tous les êtres humains. Le premier concile de Nicée s’évertua à classifier le Saint-Esprit : troisième personne de la Trinité, consubstantiel au Père et au Fils mais de même essence (l’ousia). Des conceptions différentes vinrent apporter des points de vue théologiques sans grandes importances : modaliste, trithéiste ou subordinationiste.

La tradition apostolique nous enseigne que Dieu communique par l’Esprit Saint, Le Très-Haut se fait Verbe par lui. En exergue d’un chapitre de l’Aventure spirituelle de la Matière, je cite l’encyclique papale. Jean-Paul II écrit : «Il a plu à Dieu, dans sa bonté et sa sagesse, de se révéler lui-même et de faire connaître le mystère de Sa volonté (c. Ep. 1,9), par lequel les hommes ont accès auprès du Père par le Christ, Verbe fait chair, dans l’Esprit Saint, et sont rendus participants de la nature divine»[1].


L’Esprit Saint dans les écritures :

Dès la Genèse l’Esprit saint est évoqué (Gn. 1,2) : ruâh (de l’hébreu) est le souffle, pneuma (du grec) et spiritus (en latin). Dans le Nouveau Testament il est représenté par une colombe (Mc 1, 10), par la tempête ou des langues de feu (Ac. 2, 2-3) et Saint Jean évoque le Parakletos (le Paraclet), le «Consolateur».

Le Souffle est la vie : Adam devient vivant par insufflation (Gn 2, 7). Le Souffle est saint puisque le Très-Haut est saint (Ps 51, 13). Isaïe dans le Livre d’Emmanuel sur la descendance de David évoque l’Esprit Saint lorsqu’il annonce : «Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé»[2]

Ainsi Jean-Baptiste reconnut-il Jésus comme Christ, descendant de David : «J’ai vu l’Esprit descendre telle une colombe venant du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là m’avait dit : celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Et moi, j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Elu de Dieu»[3].


Le don de l’Esprit :

Jésus, par l’Esprit Saint, apporte aux hommes la révélation qu’ils portent en eux une parcelle de l’Esprit divin. Ce don est l’alliance nouvelle offerte à l’homme par l’intermédiaire du Christ «rendue possible puisque nous avons reçu une force, celle de l’Esprit saint»[4].

Ce que les premiers écrits du Nouveau Testament nous enseignent c’est que nous avons à connaître, d‘une part, de l’Esprit-Saint qui est la manifestation de la pensée divine et, d’autre part, de l’Esprit qui est le souffle, parcelle de lumière, offert par don du Très-Haut à l’homme[5].

L’Apôtre dans l’épître aux Romains nous rappelle le message de Jésus lorsqu’il nous dit que : «En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclave pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptif qui nous fait nous écrier : Aba! Père ! L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu[6].

Pour Paul, qui répond au courant corinthien[7], tout croyant reçoit le don de l’Esprit «il est habité, traversé par l’Esprit, par le fait même qu’il énonce la confession de foi la plus élémentaire»[8].

Pour ce qui concerne la position cathare, il convient de se rapprocher de l’Apôtre Paul et surtout de ce qu’en dit le Christ. Jésus appelle l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, il est le Paraclet, le Consolateur[9]. Paul affirme qu’Il est l’Esprit de Dieu[10]. Chacun d’entre nous reçoit de l’Esprit Saint le don de l’Esprit qui transfigure notre âme pour peu que l’on consente à développer notre existence terrestre en vie spirituelle[11].

Cette vie spirituelle quotidienne en constante amélioration relève des dons offerts par l’Esprit Saint. Selon les écritures, plusieurs dons se manifestent à l’homme, ils sont au nombre de sept[12]. A ces dons s’ajoutent les douze fruits de l’Esprit Saint qui sont des symboles de perfection que l’homme se doit d’acquérir (charité, paix, patience, fidélité, modestie…)[13].

L’Esprit dans la vie chrétienne :

Le Christ révèle l’Esprit Saint. Bien entendu, l’Ancien Testament évoquait déjà le Souffle, l’Esprit de Dieu. Mais le Christ Jésus nous projette dans un monde de lumière : par son implication profonde dans l’humanité ; par l’humiliation et la douleur qu’il subit, le Christ partage le malheur des hommes qui vivent dans le monde du prince des ténèbres. Dieu donne ainsi, par ce partage, la preuve de son amour : « ll n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis »[14]. René Laurentin écrit : «C’est de ces racines profondes qu’a surgi l’Eglise. Mais, c’est l’Esprit Saint qui l’a fait naître, à la Pentecôte. Le Verbe incarné a été jugé et condamné par le monde»[15].

Jésus révèle le don de l’Esprit à l’homme.

Comme nos frères orthodoxes, lorsqu’ils s’assemblent, nous devrions toujours commencer notre rituel de la prière en nous adressant à l’Esprit Saint car Dieu communique ainsi avec ceux qui ouvrent leurs cœurs.

Prière orthodoxe :


«Roi Céleste, Paraclet, Esprit de Vérité,

Toi qui es en tout, présent et remplissant tout,

Trésor de grâce et dispensateur de la vie,

Viens et demeure en nous, (fais ta demeure en nous),

Purifie-nous de toute souillure,

Et sauve nos âmes, Toi qui es Bonté !»

*

L’Esprit Saint n’est pas une création de Dieu, il n’est pas une entité. L’Esprit Saint est la manifestation de Dieu qui offre en don l’Esprit à l’homme. Cet Esprit est prisonnier de la matière et du prince de ce monde mauvais. Il est en sommeil, amoindri, il fonctionne par intermittence lorsqu’il affleure au monde matériel[16]. Le corps emprisonne l’Esprit mais celui-ci, malgré les vues du démiurge, insuffle la vie à l’homme.

En ouvrant nos cœurs à l’amour de Dieu, l’Esprit s’anime à l’entendement du Bien, il participe alors au réchauffement de l’âme. Par une vie spirituelle retrouvée, en continuelle perfection, l’âme se purifie. L’acte volontaire qui consiste à tenter de s’éloigner de la dépendance du corps et de ce qui le maintient dans la matérialité, contribue à sauver l’âme de la transmigration pour qu’elle retrouve les sphères célestes[17].


*

Un regard sur la christologie et le Paraclet :

La descente de l’Esprit Saint sur les «parfaits», notamment à l’occasion du Consolamentum, est relatée dans les Actes des apôtres sous forme imagée de flammèches qui représentent l’Esprit réchauffé. L’objectif des pneuma est la délivrance de l’étincelle divine, prisonnière du monde matériel afin qu’elle retourne vers le monde divin, vers les sphères célestes. Cette délivrance passe par la connaissance parfaite de la nature de l’Esprit et de la cosmogonie. Cette Connaissance doit conduire la Destinée de l’humanité et du Cosmos, aboutissant à la dissolution finale de la matière. Jésus rappelle à ses disciples : «Vous avez oublié l’étincelle d’esprit du monde divin qui gît en vous», Jésus rappelle cela car «l’âme oublie son identité» pourtant tous les prophètes en avaient parlé : «vingt-quatre prophètes ont parlé en Israël et ils ont tous parlé de toi», cela signifie qu’ils ont parlé «du chemin de l’éveil de l’esprit en l’homme».

La difficulté pour l’homme est la compréhension du message divin. Si Jésus, l’homme, le messie, apporte un message d’amour, le Christ en Jésus reste fondamentalement étranger au monde matériel[18] : il est Esprit, car il est du monde spirituel. Si le Christ, Esprit Saint, descend sur terre pour sauver les hommes et assume un temps leurs quotidiens, ce n’est pas pour donner un sens à la souffrance des hommes mais pour leur dévoiler qu’ils doivent délivrer les étincelles de lumière divine qui sont en eux et qui jusqu’alors sont «endormies».

Déjà le Très-Haut, dès la genèse, avait suggéré au démiurge d’insuffler à Adam l’esprit de lumière dont il s’était doté. Cet esprit provenant du royaume céleste commencera à éclairer l’Humanité après l’événement inouï du Déluge. Cet épisode marque assurément le véritable début de l’aventure humaine dans la mesure où l’Homme prend conscience de ses facultés à agir sur le monde sensible. Le dessein de Dieu n’est pas de punir ou de supprimer mais, selon le « principe de perfectibilité » et l’acceptation par l’Homme du « don de bonté », de ramener l’imparfaite « création » en son royaume.

Mais la perfection n’est pas de ce monde, ainsi en se tournant vers la matière, l’âme oublie son identité. L’élément central du catharisme est de parvenir à la connaissance de soi-même, à découvrir en nous le principe transcendant qu’est le don divin de l’Esprit qui attend d’être exulté. Cette anamnèse, ce retour, est rendue possible par la venue du Christ qui dévoile aux hommes cette intériorité cognitive.

Paul s’adressant aux Philippiens leur dit : «J’ai confiance que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la perfectionnera jusqu’au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ»[19] et dans la seconde Epître aux Corinthiens : «…et c’est lui (Jésus) aussi qui nous a rendu capables d’être ses ministres de la nouvelle alliance, non pas de la lettre, mais de l’esprit : car la lettre tue et l’esprit donne la vie»[20].

Le croyant, en retrouvant son «identité spirituelle», prendra conscience de l’étincelle divine qui est en lui depuis un temps immémorial. C’est en acceptant les dons de l’Esprit-Saint qu’il permettra à son propre Esprit d’échapper à ce monde de matière sans espérance. Commencera alors un long cheminement spirituel vers la Beauté de la Création et le retour de l’âme vers le monde divin.

Les Cathares appellent cela « avoir une bonne fin ».


*

* *

[1] - Fides et ratio, in 7, Jésus révèle Père. [2] - Isaïe 11, 1-2. [3] - Jean 1, 32-34. [4] - Actes 1, 8 [5] - 1 Jean 4 : 8-16 : Dieu es Amour ». L’Amour est le premier don, il contient tous les autres. [6] - Romain 1, 14-16. [7] - le courant corinthien affirme que le don de l’Esprit est réservé à une élite. Si la notion d’élite consiste à évoquer les «initiés », on rejoint alors la notion de perfection qui fait dire que seuls les « parfait » seraient porteur de l’Esprit. Cependant, chacun pouvant devenir « parfaits » par une spirituelle tournée vers Dieu et son prochain, la notion corinthienne ne peut être retenue par les cathares qui, avec justesse, se tournent alors vers Paul. [8] - Corinthien 1, 12 : 1-13. [9] - Jean 14, 16-26 – 15, 26 et 16, 7. [10] - Ro. 8, 9 et suivants et 1-Cor. 6, 11 et 7, 40. [11] - «Votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous» (1 Cor. 6 : 19) [12] - Isaïe 11, 12. Ces dons sont aussi appelés «charismes» dans 1 Co. (Bible de Jérusalem). [13] - «Mais le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi : contre de telles choses, il n’y a pas de loi» (Galates 5, 22-23). [14] - Jean 15, 13. [15] - René Laurentin, L’Esprit Saint cet Inconnu, ιd. Fayard, 1998 (à lire aussi : L’Esprit cet Inconnu, Jean E. Charon, ιd. Albin Michel, 1977 qui traite du fonctionnement de l’esprit par le prisme de la physique). [16] - cf. Jean E. Charon, l’Esprit cet Inconnu (cité dans l’Aventure spirituelle de la matière). [17] - cf. le Rituel de Dublin qui propose un monisme proche du christianisme romain. [18] - Madeleine Scopello, Les Gnostiques, p. 89, ιd. Du Cerf [19] - Phil. 2, 13. [20] - I Cor., 3 : 4-6

18 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page